Ma balade fantastique à Uckange, de l’usine U4 au Jardin des Traces

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Depuis l’automne dernier déjà, j’avais pour projet de me rendre à Uckange pour explorer le site du Haut fourneau U4 et du Jardin des Traces. J’avais découvert des clichés intrigants sur le réseau social de photographies Instagram au moment d’Halloween ! Mais nous avons attendu un samedi de printemps au ciel dégagé pour avaler les 20 minutes d’autoroute entre la Metz royale et impériale et cet ancien site ouvrier. Il est maintenant ouvert au public après avoir été magnifiquement reconverti en site de « tourisme industriel » et en jardin. C’est donc là que nous avons passé l’après-midi à déambuler en famille autour des cheminées impressionnantes et du superbe jardin d’arts adjacent. Notre visite a été une plongée dans l’Histoire industrielle contemporaine de la Lorraine, fondée sur la richesse de son sol et l’énergie des hommes pour transformer ces matières premières. Elle m’a aussi permis de mesurer le talent déployé en Moselle pour aménager des jardins ludiques et poétiques, ici à Uckange comme à Laquenexy. Je n’ai donc pas manqué de vous rapporter mes impressions et mes images de ce site très très impressionnant et photogénique !

Mais tout d’abord, une devinette ! Quel est le point commun entre la Tour Eiffel, une machine à coudre Singer et une cocotte ?
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Leurs racines lorraines ! Entre la Révolution Industrielle et la fin des Trente Glorieuses, toutes trois ont toutes été fabriquées avec de la fonte fabriquée dans les hauts fourneaux des usines sidérurgiques lorraines.
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Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre ni voir, puisque la plupart des hauts fourneaux ont été fermés et rasés, tandis que les mines qui leur fournissaient la matière première ont cessé leur activité. Tout a été rasé ? Non, pas tout à fait !

L’irréductible haut-fourneau U4 d’Uckange

A Uckange, un irréductible haut fourneau reste dressé (sur les quatre hauts fourneaux originels), et témoigne de l’âge d’or révolu de la sidérurgie dans cette petite commune  qui compte à peine 6 500 habitants aujourd’hui (70 000 habitants sur toute l’agglomération du Val de Fensch). Les deux derniers hauts fourneaux d’Uckange, l’U1 et l’U4, ont cessé son activité en 1991. La fermeture de l’U1 a été émouvante et spectaculaire puisque le grand public a été invité à assister à la dernière coulée de fonte. En décembre 1991, le Républicain Lorrain avait chroniqué cette soirée de manière très émouvante.
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La fermeture d’U4 a été moins spectaculaire, pourtant ce haut-fourneau incarne aujourd’hui la mémoire d’un site, d’une époque, d’un mode de vie entier aujourd’hui disparus. Contrairement aux autres hauts fourneaux lorrains, il est resté debout… mais déserté et désoeuvré durant dix ans, jusqu’à ce qu’un nouveau destin lui soit façonné : celui de site touristique et lieu artistique ! La rénovation du haut fourneau a été pilotée par la Communauté d’agglomération du Val de Fensch, tandis que l’aménagement du Jardin des Traces en lieu et place d’anciens bâtiments de l’usine a été réalisé par la commune d’Uckange, juste à côté d’un jardin public pour enfants.
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Dès les années 1990, l’Association Mecilor avait été créée par les anciens salariés pour conserver la mémoire et animer le site de l’U4. Aujourd’hui, les bénévoles de Mecilor proposent des visites guidées du site d’1h30, et ont conçu une excellente exposition pédagogique. Je vous invite donc à aller visiter le site avec eux, car je n’arriverai pas ici à être aussi précise et claire sur les procédés et l’histoire de la sidérurgie en Lorraine, ou sur l’histoire détaillée de ce site, ou encore la reconstitution des lieux. Mais quelques-unes de mes impressions et émotions vécues sur ce lieu envoûtant.

Que voit-on à Uckange désormais ?

L’accès simple au site coûte 3 euros (et le pass annuel est à 10 euros). A gauche de l’accueil commence une étendue de verdure, à laquelle on accède via une boutique buvette : le Jardin des Traces.

Le Jardin des Traces

Le Jardin des Traces est un jardin artistique sur le thème de l’énergie et la sidérurgie. Il est composé de trois espaces thématiques, avec chacun un paysage et une organisation propres : les quatre éléments, en hommage aux ressources naturelles utilisées dans la sidérurgie, les paysages d’autres pays dont qu’avaient quittés les ouvriers sidérurgistes émigrés, et enfin les sources d’énergies renouvelables, liant l’avenir énergétique et industriel de notre région à ces nouvelles manières d’exploiter des ressources infinies comme l’eau, le vent ou encore… l’énergie humaine pour bouger, entreprendre, imaginer.
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Le haut fourneau U4

A droite, s’élèvent les silhouettes sombres et hautes des cheminées de l’ancien haut fourneau U4. On accède jusqu’à elles en traversant d’abord un pavillon d’exposition, où est illustré et expliqué le processus de transformation de minerai et de charbon en fonte, ainsi que le fonctionnement du haut fourneau. Ce préambule a été utile pour comprendre à quoi servaient les différentes cheminées.
Dehors, des yourtes sont plantées au pied des cheminées pour les spectacles en soirée. L’autre accueille une exposition d’objets et de textes écrits par les enfants d’Uckange lors d’ateliers d’écriture sur la mémoire familiale et patrimoniale d’Uckange. Lorsque nous avons visité le site un samedi après-midi de mai, il était quasiment vide. Mais il semblerait qu’il s’anime énormément en soirée et les week-ends d’été grâce à une programmation importante de concerts, spectacles et événements, comme les Nights de l’U4. Alors demandez le programme !
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jardin-des-traces-haut-fourneau-u4-uckange-adoptemetzYeux, émotions, intellect en ébullition !

Une expérience visuelle incroyable

Que ce soient les hautes cheminées sombres aux formes indéchiffrables (du moins quand on arrive sur le site) ou les mini-jardins circulaires dans le Jardin des Traces, le site d’Uckange est un étonnement pour les yeux et un ravissement pour les appareils photos. La première image des hauts fourneaux est très intriguante. Pour moi qui ne connais rien à la sidérurgie et n’ai visité qu’une seule usine dans ma vie (l’usine de PSA à Poissy), ces grandes tours apparaissaient bien mystérieuses ! Mais d’emblée, elles sont très intéressantes à photographier lorsque leur silhouette sombre tâchée de rouille se détache dans le ciel clair !
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Plus on se meut dans les jardins ou autour des cheminées, plus les perspectives se multiplient, en hauteur, en profondeur, en relief, en longueur.
Dans le haut-fourneau, le visiteur est contraint de suivre un chemin obligé et bien délimité par des barrières. La sécurité l’exige ! Mais des passerelles ont été heureusement mises en place pour varier les points de vue sur le site.
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Dans le Jardin des Traces en revanche, le promeneur reprend sa liberté et déambule librement dans diverses ambiances, paysages et aménagements. Il peut s’isoler un temps dans des jardins fermés – comme les jardins circulaires incarnant les quatre éléments, ou les divers espaces dédiés aux différentes énergies renouvelables. Puis parcourir lentement la plaine minérale qui ouvre une perspective intéressante sur les cheminées au loin.
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Je l’avais pressenti aux Jardins fruitiers de Laquenexy, et ma visite au Jardin des Traces  a confirmé cette intuition : en Moselle, on maitrise l’art d’aménager les jardins. L’art, oui, l’art, littéralement. Le travail d’un jardinier paysagiste est un art. La surprise émue qui a pu me saisir en explorant les différentes « pièces » de ce jardin des traces était similaire à celle que je peut ressentir dans un musée – ou comme au Centre Pompidou – en pénétrant dans une nouvelle salle et qu’on découvre des oeuvres surprenantes et séduisantes. Comme dans un musée, le jardin des Traces se décompose en plusieurs pièces et atmosphères, qui regorge d’objets étranges et poétiques. Ainsi, ces bancs de pierre que ma fille a transformés en piste de saut pour elle et moi, ou cette incroyable fontaine en forme de trou ouvert vers le centre la terre. A Laquenexy comme à Uckange, j’ai trouvé une sélection de sculptures remarquables et remarquablement bien choisies !
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Reconstituer la vie du lieu : un défi lancé aux neurones (et au coeur) !

Outre mes yeux et mes émotions, mes neurones ont été bien sollicités cet après-midi-là !
La visite des anciens hauts fourneaux m’a demandé une gymnastique intellectuelle amusante ! Tout ce qui était autour a disparu, ou presque : les voies routières, les barrières et de nombreux petits bâtiments. A partir des squelettes dressés et des explications dans l’exposition et sur les panneaux, il a fallu s’imaginer des dizaines d’hommes, de wagons et de camions s’affairer au pied des fourneaux brûlants et fumants. Il fallait retracer mentalement le parcours du charbon et de la minette à travers les rails et les cheminées pour se transformer en lingots de fonte, en se liquéfiant d’abord dans les cheminées bouillantes pour se transformer finalement en lourdes pièces de fonte destinées à la fabrication d’objets du quotidien ou d’armement.
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Je n’ai pu m’empêcher de trouver de tristes similitudes historiques entre l’économie médiévale du sel au Sud de la Moselle, et l’histoire contemporaine de la sidérurgie au Nord du département (et jusqu’au Luxembourg). A Uckange comme à Marsal, ces industries étaient fondées sur les ressources du sol et le labeur des Mosellans. Elles ont fait la prospérité et la renommée de la région, avant de péricliter inéluctablement et remettre en question les structures économiques et sociales de la région. A Uckange comme à Marsal, on a su laisser la nature reprendre ses droits et trouver une nouvelle forme de vie aux sites.
Ici, à Uckange, au Nord de Metz, cette richesse principale est la minette et le charbon, exploitée à partir du XIXème siècle. Au Sud de Metz, cette richesse était le sel des étangs du Saulnois, qui avait été exploitée bien plus tôt, du Néolithique jusqu’au XVIIIème siècle.
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Si le Saulnois a été frappé par l’interdiction royale d’exploiter le site afin d’éviter la fraude fiscale, la région d’Uckange a été victime des dommages de la mondialisation : la délocalisation des sites de production et la concurrence redoutable autour des prix. Arcelor Mittal demeure la première entreprise de sidérurgie au monde, mais ce sont désormais la Chine et l’Inde qui sont les principaux pays producteurs. (source : Usine Nouvelle 2013) Pourtant, les ouvriers lorrains ont donné de leur personne, comme on peut le deviner en découvrant les premiers vêtements de travail dont ils disposaient dans les années 50 : de simples vêtements de coton, sans aucune protection ignifuge !
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Les sites ne retrouveront jamais leur agitation d’antan, lorsque des centaines d’ouvriers s’affairaient et faisait ainsi vivre leurs familles alentours. Le pari des pouvoirs publics est donc de célébrer ce patrimoine historique et économique et l’ouvrir aux descendants des ouvriers, aux amateurs de ce qu’on appelle le « tourisme industriel », mais aussi aux amoureux de la nature, ou encore aux assoiffés d’arts et d’événements. A Marsal, je n’ai pas encore visité le Musée déparmemental du Sel (fermé pour travaux cette année), mais j’ai goûté la beauté et le calme de la promenade au-dessus de la mare salée. Et nul doute que je retournerai à l’U4 d’Uckange pour profiter des nombreux événements festifs, ou découvrir enfin le Jardin des Traces en version terrifiante au moment d’Halloween…
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1 Comment

  1. Un lieu chargé de mémoire pour les habitants des environs.
    Dans les années soixante mes parents emmenaient leurs enfants rendre visite à la famille dans ce secteur. Tout au long de la route ce n’était que des façades noires ou ocres selon le minerai travaillé dans les hauts-fourneaux.
    Il y avait toujours une odeur très pestilentielle qui régnait, une odeur proche de celle du souffre….
    Ce fut un drame pour la région quand la sidérurgie se tut, on y travaillait de père en fils depuis très longtemps et les retombées économiques furent très lourdes.

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