Lorsque j’ai accepté une invitation amicale à explorer les salles et les coulisses de notre grande salle de concert messine l’Arsenal, je n’imaginais pas que j’irais m’enfoncer quatre étages sous terre, me perdre dans un labyrinthe de couloirs, et vivre un voyage digne d’une traversée vers les Enfers grecques d’Hadès… Presqu’aussi surprenante et vertigineuse qu’une exploration de la Cathédrale Saint-Etienne avec les oiseaux de nuit de Mamytwink, il y a la visite des souterrains de l’Arsenal, à travers les coulisses, les régies éteintes et les vastes sous-sols. Voici quelques photos et impressions rapportées des entrailles de l’Arsenal !

L’Arsenal dresse deux étages seulement au-dessus du rez-de-chaussée, et ce monument en impose plus par sa longueur que par sa hauteur. Il semble assez léger grâce à ses nombreuses ouvertures arrondies. Pourtant, ses fondations s’enfoncentà plusieurs dizaines demètres sous terre, et sous nos pieds ont été creusés quatre étages ! Défini au milieu des années 1980 sur un bâtiment militaire datant de 1863, le projet de Ricardo Bofill s’est distingué des autres propositions d’architectes par son choix original de creuser des sous-sols de l’Arsenal, enterrer la grande salle de concert et les coulisses. Ce choix a permis de réduire la masse du bâtiment extérieur en amputant une aile, plutôt que de chercher à élever le bâtiment et le rendre encore plus imposant et sévère. Comme les fondations sont extrêmement profondes, l’Arsenal a littéralement les pieds dans l’eau de la Moselle, et des pompes aspirent l’eau en permanence pour éviter que celle-ci n’envahisse la scène.

Ma référence à la mythologie grecque et les enfers d’Hadès n’était pas si anodine que cela pour parler d’un monument imaginé par Ricardo Bofill, car cet architecte espagnol puise son inspiration dans la géométrie et la monumentalité de l’architecture grecque classique. Ricardo Bofill est l’architecte du quartier Antigone à Montpellier, au style lui aussi néoclassique. A l’Arsenal de Metz, on retrouve ce style dans les décorations de la Grande Salle et celles de la galerie haute qui l’entoure, avec des frontons triangulaires au-dessus des portes et une symétrie et une régularité parfaite entre les ouvertures.
Comme la Salle de concert de l’esplanade attenante, la Grande Salle est littéralement enterrée, puisque lorsque nous arrivons de la rue, nous arrivons directement aux rangs les plus élevés du public, au niveau du plafond. La vue de cette hauteur est absolument vertigineuse, en particulier lorsque la salle est vide, et en particulier depuis le paradis dont les gradins sont encore plus abrupts !



Les espaces accueillant le public sont les seuls à recevoir de la lumière naturelle. Les artistes et les techniciens, eux, évoluent dans les étages souterrains de l’Arsenal.
L’espace restauration, les loges, les entrepôts des machinistes sont des salles véritablement closes, dissimulées sous terre. A l’Arsenal, tout se prépare en sous-sol ! Même les pianos doivent surgir sur la scène par le sol, à travers une trappe, car les portes entre les coulisses et la scène ne sont pas assez larges pour permettre leur passage !

A l’étage -4, se trouvent la buanderie, la cantine et la machinerie, qui donne derrière les trois portes de la scène de la grande salle. A l’étage -3 se préparent les artistes dans l’une des 8 loges aménagées, avant de redescendre à l’étage inférieur pour accéder à la scène. D’autres loges et machineries se trouvent aux étages -2 et -1, reliées aux autres étages par d’énormes monte-charges. Quel contraste de couleurs entre le vernis jaune lisse et brillant des salles de concert, le rouge des moquettes moelleuses dans les loges, le béton gris brut et tâché des murs des couloirs des coulisses, et les peintures bleues écaillées des salles de machineries ! Et quel autre contraste de textures entre le parquet vernis élégant des salles de concert, et les scotchs posés à même le sol dans les couloirs attenants ! Ils tracent le chemin à suivre pour sortir des souterrains et accéder à la lumière de la Grande Salle. Sans eux, les artistes pourraient-ils se produire sur scène ou resteraient-ils perdus dans les limbes de l’Arsenal ?!?



Dans les différentes régies et les couloirs à l’arrière des salles, nous sommes passés devant des mètres et des mètres de fil noirs enroulés en bobines, des milliers de boutons son et lumière sur les consoles dispersées, des centaines de projecteurs, des trappes secrètes pour accéder sur des passerelles étroites en haut des salles de spectacle. Les soirs de spectacle, les régisseurs de l’Arsenal maîtrisent à la perfection ce matériel pour magnifier les danseurs et les musiciens. Mais ce matin-là, tout était silencieux, à l’exception de la Salle de l’Esplanade qui accueillit les dernières répétitions des joueurs de clavecin programmés l’après-midi.



Désertée et vide en ce calme dimanche matin, l’Arsenal m’aurait fait l’impression d’un lieu écrasant, s’il n’y avait eu des photographies magnifiques au mur des équipes de l’Arsenal, ou encore des posters des grands événements et spectacles qui ont eu lieu depuis 1989 à l’Arsenal.



Enfin, il faut ressortir du bâtiment et aller se promener à l’arrière pour découvrir la dernière surprise des souterrains de l’Arsenal. Entre la terrasse et la Chapelle des Templiers, scrutez sous vos pieds vers la pelouse et la grande grille d’aération en son centre, et vous serez peut-être comme moi pétrifiés d’apercevoir trois statues en terre cuite de soldats chinois gisant en contrebas ! Ce sont des reproductions des gardiens du mausolée de l’empereur Qin Shihuangdi au IIIe siècle avant J.-C. En 1992, huit d’entre eux avaient été apportés à Metz pour une exposition exceptionnelle « Les guerriers de l’éternité » à Saint Pierre aux Nonnains. La Ville en a gardé une trace magnifique dans ses souterrains, qui n’en finissent pas de nous surprendre…


Il y a encore tellement à voir et à dire sur l’extraordinaire ensemble architectural de l’Arsenal, qui regroupe le bâtiment des salles de concert, mais aussi la Chapelle des Templiers et l’église Saint Pierre aux Nonnains situés juste derrière… Je vous y remmènerai pour un autre voyage à travers le temps et les styles !
